À l’île Maurice, dans les pas de la procession du cavadee

Les dévots ont parfois des aiguilles plantées sur tout le corps. C’est impressionnant pour celui qui découvre la procession du cavadee, cette fête hindoue d’origine tamoule. C’était mon cas, l’an dernier, à l’île Maurice. 

La moitié des habitants sont hindous

Le thaipoosam cavadee a lieu, ce jeudi, à l’île Maurice, dans l’Océan Indien. C’est l’occasion de parler de cette fête hindoue tamoule. J’ai assisté à la procession dans la petite ville de Mahebourg, au sud de l’île, l’an dernier. Une chouette bourgade avec un marché très vivant sous une halle, une foire aux vêtements, des commerces et un front de mer avec une vue inondée de bleu sur l’île au Mouchoir-rouge.

Dans ce pays, où vivent des Créoles, des gens d’origine indienne ou chinoise et des Mauriciens descendants des colons européens, où l’on parle l’anglais, le créole mauricien, le français ou le bhojpuri, les religions se côtoient forcément aussi. Il y a de nombreux chrétiens et musulmans mais la moitié des habitants sont hindous.

Cavadee à Mahebourg
A Mahebourg, des gens attendent l’arrivée de la procession.

Un moment de jeûne

Le temps fort du calendrier hindou pour les habitants d’origine tamoule est la célébration du  thaipoosam cavadee (s’écrit aussi kavadi ou kavady), qui a lieu en janvier ou en février en l’honneur du dieu Muruga. Il y a plusieurs cavadees dans l’année, mais celui-là est le plus important.

La procession est précédée d’un jeûne de dix jours. Pendant cette période, les pénitents prient, sont abstinents, font des offrandes au temple et préparent leur cavadee, souvent une arche en bois décorée de fleurs qu’ils porteront sur les épaules. Il symbolise une montagne.

C’est le temps où on recharge ses batteries pour prendre l’énergie spirituelle », ont expliqué des responsables de la fédération tamoule au site lemauricien.com.

Cette préparation physique et spirituelle conduit à la cérémonie pleine de rituels du dixième jour avec cette procession spectaculaire. À Mahebourg, elle part de la rivière de la Chaux, après un bain sacré. C’est là que les dévots se font percer la bouche et/ou le corps, sans saigner, dit-on.

Cavadee à Mahebourg

Dans la chaleur intense

Dans une des rues principales de Mahebourg, plusieurs dizaines de personnes attendent les dévots. Avec deux couples de jeunes touristes avec qui je loge chez Fred et Rita à Blue Bay, nous nous sommes postés sous des arbres face à une boutique savoureusement appelée « Elysée mode électro meuble ». Rita, qui elle-même a déjà fait le cavadee, nous a indiqué où aller voir la procession.

Cavadee à MahebourgIl fait chaud, au moins 30°C. Chacun cherche l’ombre lorsque nous voyons arriver la foule multicolore, qui avance lentement.

Un autel de fleurs est tiré par des hommes. Beaucoup sont habillés en fuchsia, les pieds nus sur le bitume chauffé par le cagnard.

De l’eau est aspergée sur le sol pour leur faciliter la tâche.

Arrivent ensuite, des femmes en sari rose. Une grosse aiguille leur entrave la bouche et semble traverser leur langue, une façon d’observer le silence. Elles portent sur la tête des cruches cuivrées emplies de lait ou, sur leurs épaules, des cavadees, ces arches de feuillage et de fleurs.

Les hommes ont le torse nu et des piques leur sortent des joues. Eux aussi portent des cavadees. L’atmosphère est assez calme, concentrée, ni silencieuse ni bruyante, même si on entend de la musique. Il y a aussi quelques enfants.

Cavadee à Mahebourg

Des aiguilles sur tout le corps

La procession poursuit lentement sa route vers le temple. Les arrêts sont nombreux. À mesure que les pénitents et les fidèles avancent, les cavadees me semblent pour lourds, plus grands, plus hauts.

Et la peau des hommes est de plus en plus percée d’aiguilles. Elles forment des dessins géométriques sur les torses et dans les dos, comme des plumes de métal. Des citrons verts ou des petits pots sont suspendus à certaines aiguilles.

Les piques, qui traversent le visage, sont aussi de plus en plus longues. Un mètre ! Un jeune homme a le dos recouvert de gros et ronds pamplemousses suspendus à des aiguilles. Un autre danse sur ses frêles jambes. Il tourne sur lui-même alors qu’il porte son cavadee et que la surface de son corps est percée de toute part. Ses gestes sont un peu au ralenti mais souples.

D’autres hommes tirent de petits autels sur roulettes avec des chaînes accrochées directement à la peau de leurs hanches.

Cavadee à Mahebourg

Jusqu’au temple

Tous marchent jusqu’au temple. Au passage, sur les bas-côtés de la rue, des habitants offrent des boissons fraîches et rafraîchissent le sol. Ils ont de grands plateaux couverts de petits godets de jus de fruit ou d’eau. Eux aussi regardent ces hommes et ces femmes et les accompagnent du regard.

Cavadee à Mahebourg

Les cavadees sont déposés au temple ainsi que les offrandes. Les aiguilles sont retirées. Puis la nourriture partagée.

Une histoire de montagnes

Ces processions évoquent la légende d’Idumban, raconte l’Indian Ocean Times. Le gourou de cet homme, le sage Agattiyâr, l’a envoyé chercher les sommets de deux montagnes. Ce qu’Idumban a fait en attachant les deux cimes à un bâton de bois, le cavadee, qu’il a porté sur son dos.

Sur le chemin du retour, le dieu Muruga s’est transformé en petit garçon et s’est installé sur l’un des sommets pour que le poids porté par Idumban soit plus lourd. Une façon d’éprouver sa foi. Idumban s’est alors mis en colère contre cet enfant sans reconnaître le dieu. Un combat a suivi. Il a tourné à l’avantage de Muruga qui a tué l’homme avec sa lance.

Le sage Agattiyâr et les proches d’Idumban ont alors prié le dieu Muruga de le ressusciter.  Ce qu’il fit. Depuis, le cavadee est porté chaque année pour remercier le dieu et voir ses vœux exaucés.

Pour ma part, je suis restée un peu éberluée par cette procession. Comme je peux l’être devant un chemin de croix que certains mènent à genoux. J’ai été marquée par le calme dans cette rudesse que certains ont choisi de s’imposer.

Derrière ce rite, il est évidemment question de purification, de dévotion, de pénitence, d’offrandes, de sacré, de dépassement de soi. Se percer le corps n’est pas une pratique obligatoire. On m’a dit, sur place, qu’il y avait une certaine surenchère chez quelques jeunes. Je ne me permettrais pas de juger. Puis, il paraît que la foi est un mystère…

Pour en savoir plus sur le cavadee à l’île Maurice, il y a aussi cet article, en anglais et cet autre en français. :-)

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