Les Bleus font sourire dans les townships de Knysna
Un mois après la Coupe du monde de foot en 2010, j’étais à Knysna, en Afrique du Sud. C’est là que l’équipe de France a fait le show, façon Jerry Springer plutôt qu’avec un ballon. Avec mon guide perso, je visite le township. Je suis Française. Ça le fait rire.
Qui ? Les Français ?
« Elle t’a dit d’où elle venait ? » Mawande a les yeux qui sourient. C’est mon guide. Il habite le township de Knysna, en Afrique du Sud.
Il pose la question à la guérisseuse traditionnelle avec qui je viens de discuter pendant une demi-heure. Comme un aveu, je glisse : « De France. » Aussitôt, un air goguenard apparaît sur le visage de cette corpulente dame.
C’est un petit jeu avec mon guide. Il m’a déjà fait le coup. D’autres ont déjà ri.
Cette femme, que de nombreux habitants du township viennent consulter pour se faire soigner, pour se faire aider, hoche la tête. « Avant la coupe du monde, on a attendu les joueurs de l’équipe de France avec impatience… » Elle suspend ses mots, les pèse. « On ne les a pas vus… Mais les Danois, eux, étaient merveilleux ! »
Merveilleux Danois
Ce jour-là, un mois après la coupe du monde de foot en Afrique du Sud, ils arbitrent le match des souvenirs. Leur ville, Knysna, accueillait les camps de base des équipes de France et du Danemark. Dans les townships, là-haut sur les collines qui surplombent la lagune, on vibre encore en racontant la venue des Danois ; on rit poliment des Français.
En bas, dans les rues du centre-ville et près du port, les drapeaux des deux pays sont encore là. Avec une nette dominante pour les sculptures de coqs gaulois et les couleurs tricolores. La municipalité avait mis le paquet pour les Bleus, davantage que pour les Scandinaves. Ils étaient plus connus. Des stars.
Trente minutes et puis s’en va
On les attendait les Bleus. Et puis, voilà : « Les joueurs français sont descendus de leur bus pour faire un petit tour sur le terrain de foot, sont restés 30 minutes dans le township et sont repartis, c’est tout, me raconte Mawande. En plus, ils sont venus… après les Danois. Comme si s’ils ne voulaient pas être en reste. » Raté.
Il faut dire que Mawande a été le guide de la délégation danoise dans les townships. Il me parle et me reparle des Danois. Ils étaient venus en repérage. Ils avaient choisi le terrain de foot qu’ils voulaient subventionner. Ils s’intéressaient vraiment. Ils sont restés cinq heures à visiter le township. Ils ont donné des tas de maillots. « C’était la folie », dit-il. Les gens les ont adorés. Lui aussi. Le maillot dédicacé offert par les Danois est accroché chez lui.
Dans la baraque du policier
Dans une des baraques en bois, sans eau ni électricité, Mawande me fait entrer chez un père. Sa famille est repartie à la campagne le temps qu’il retrouve du travail. Dans la chambre, les murs sont recouverts de papiers journaux. Un uniforme de policier soigneusement entretenu y est accroché.
Le jeune père l’a porté le temps que les équipes de foot résidaient à Knysna. C’était son boulot, temporaire. Il espère devenir policier pour de bon. Dans l’autre petite pièce de la baraque, un fanion rouge et blanc, celui de l’équipe nationale du Danemark, décore la pièce. Lui aussi parle des Danois. Beaucoup. Les Français ? Silence. Il sourit.
« Elle enlace un joueur »
Mawande me sort les preuves : les fantastiques Danois en photos. Dans cette même ruelle de terre où les enfants jouent, les grands gaillards de l’équipe scandinave sont entourés par la foule. Mon guide, comme s’il était encore ébahi, me répète en anglais en montrant une photo. « Cette femme-là, elle enlace un joueur. Il se laisse faire ! »
L’hôtel Pezula
Puis, il parle des entraînements publics des Danois, des retransmissions des matches sur écran géant où les habitants se sont mis à soutenir les Danois, puis il sort sa photos où toute l’équipe pose devant la maison qu’il a agrandie pour faire un petit restaurant dans le township.
Les Français, Mawande ne veut pas trop les critiquer. En creux, il a déjà tout dit de ce qu’ils ont eu de décevant face à ces surprenants Danois. Il admet : « On a surtout vu les journalistes et leurs aller-retour entre l’hôtel Pezula (l’hôtel 5 étoiles des Bleus) et le centre des médias. » En me raccompagnant dans le centre-ville, il nuance, me dit qu’il ne faut pas voir que le négatif, que les Français aussi ont finalement promis de l’argent pour financer un terrain dans le township.
Je souris. Les jours de foot, ce sont les maillots danois que les gamins du coin sont désormais fiers de porter.
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