Une ville fantôme, une grippe : quel est le plus flippant au Chili?
Ça grince, ça rouille, ça déroute. La ville fantôme de Humberstone, dans le désert d’Atacama, rappelle l’histoire des mines de nitrate du Chili. Et quand, en plus, on y échappe à une épidémie de grippe mortelle, l’expérience est marquante !
Sea, surf and desert
Lors de mon voyage au Chili, après mon séjour à San Pedro de Atacama, j’ai encore poursuivi vers le nord, à Iquique, sur la côte. Sea, surf and desert. Moi, je voulais surtout voir la salitrera de Humberstone, cette ancienne ville minière bâtie à l’âge d’or de l’exploitation du nitrate, à l’intérieur des terres, dans le désert.
Près du marché central, j’achète l’une des dernières places disponibles d’un minibus qui va à La Tirana, en passant par Humberstone. Dans ce village, en ce mois de juillet 2013, se prépare la grande fête annuelle, colorée et masquée, en l’honneur de la vierge del Carmen. Elle attire jusqu’à 200000 personnes pendant quelques jours !
« Mais il y a la grippe ! »
Grâce à un quiproquo sur le numéro des places, je fais connaissance avec mes voisins de voyage chiliens.
En attendant le départ, des femmes nous distribuent des masques médicaux et des tracts. Je regarde ça. Perplexe.
L’homme assis à ma gauche le refuse. Je lui demande ce que c’est.
De la propagande pour les élections ! soupire-t-il. C’est le candidat à la députation soutenu par Michelle Bachelet… Un médecin…
– Mais pourquoi un masque ? demandé-je, drappée de toute ma naïveté.
– Bah, pour la grippe ! Tu ne sais pas ? Il y a une énorme épidémie de H1N1. Avec plus de vingt morts, là-bas !
Eh non. Je ne le savais pas. Et le voilà qui m’explique qu’il faut être obligatoirement vacciné pour aller à La Tirana, qu’il y a de nombreux centres de vaccination gratuits ouverts à Iquique, qu’il faut éviter la propagation de l’épidémie, surtout pendant la fête… Hum. Bon. Je me dis que je m’arrête avant La Tirana, que ça va aller.
Une fois que le bus a quitté la ville et sa brume, puis gravi le plateau désertique, nous voilà à rouler sous l’éclatant soleil. Surprise ! Des hommes en uniforme bloquent la route et filtrent les véhicules. Contrôle sanitaire… Je m’inquiète un tantinet. Je réalise l’ampleur du truc, qui a conduit à la vaccination de 200000 personnes…
Mes voisins qui savent que je ne suis pas vaccinée me regardent tous. Mi-curieux. Mi-compatissants. Un agent monte à bord du minibus et demande si tout le monde a son carnet de vaccination. Les Chiliens hochent la tête. Je suis silencieuse. Embêtée. Et voilà mon voisin qui explique au monsieur que je suis étrangère, que je ne savais, que je ne vais pas à La Tirana… Silence.
Je m’attends à descendre. En fait, on me distribue, comme aux autres, un formulaire à remplir. Il liste tous les symptômes de la grippe. Nuque raide, rhume, maux de tête, toux… Le bus repart. Je dois cocher si j’ai l’un de ces signes. Je me sens très bien. Ça me fait un peu flipper quand même. Je me rassure : si je suis entourée de gens vaccinés tout va bien ! Pas de risque.
Je crois que j’en suis quitte. Que nenni ! Deuxième contrôle ! C’est là qu’il faut rendre les formulaires. C’est là que je vais être obligée de retourner à Iquique…
En fait, le contrôle se trouve juste en face de la mine de Humberstone. Ma destination. J’ai le droit de descendre, mais pas d’aller plus loin. Je quitte le minibus. Avec un sourire, on me conseille de me faire vacciner.
Dans la rouille
Voilà l’ancienne ville et la mine de Humberstone, inscrites au patrimoine mondial de l’humanité. Le site a été fondé à la fin du XIXe siècle et a connu son apogée dans les années 40, avec des quantités de nitrate fabriqué et plusieurs milliers d’habitants. A cette époque, le lieu était plutôt opulent, comme une oasis dans le désert.
Certains bâtiments ont été restaurés. D’autres tombent en ruine. Quelques maisons sont transformées en mini-musée avec plein d’objets d’époque, présentés par thématique. L’ambiance est sympa. Des rideaux pendouillent. Les tôles sont rouillées. La peinture s’écaille.
En se promenant, on imagine la vie autour du kiosque à musique. On voit les enfants sortir de l’école. On entend les applaudissements dans la salle de théâtre. Il y avait aussi une piscine. En plein désert !
Sur le court de tennis, aujourd’hui, le bruit mat des balles a été remplacé par le grincement des lampes balancées par le vent.
Je vous laisse poursuivre la balade en photos. Un clic sur l’une d’elles pour la voir en grand, puis il suffit de les faire défiler avec les flèches du clavier.
J’ai mal, là ?
A mon retour à Iquique, le soir, j’ai évidemment commencé à guetter tous les symptômes de la grippe. J’aurais pas un peu la nuque raide, là ? Heureusement, le soir, j’ai été invitée par des Chiliens à partager un asado (grillade de viandes), arrosé de vin ! Ça dissipe tous les maux !
Le lendemain, j’ai visité Iquique. Etrange ville balnéaire, avec de grands immeubles en bord de mer et de petites baraques à l’arrière. Elle est nichée entre l’océan et une immense dune que j’ai vue sortir du brouillard en rentrant de la mine.
Le port avec ses barques de pêcheurs a eu ma préférence. Des otaries y goûtent les restes de poissons jetés à la mer. Moi, j’y ai savouré un ceviche (poisson cru mariné), avant de poursuivre mon voyage, un peu plus au sud du Chili, un peu plus loin de l’épidémie… ;-)
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