En Finlande, j’ai finalement découvert… les hôpitaux

Chiens de traîneaux, rando en raquettes… Je devais passer des vacances au sud de la Laponie, en Finlande. Un jour et demi après mon arrivée : boum ! Accident de motoneige. Mon voyage se transforme en une immersion complète… dans les hôpitaux, avec initiation au finnois par les infirmières et gastronomie finlandaise hospitalière.

Un jour de rando…

C’est chouette la Finlande. Il y a de la neige en hiver. Des lacs gelés. Des forêts à perte de vue. Des saunas relaxants… Tout ça, je l’ai vu pendant une petite journée. Le temps d’une randonnée en raquettes, avec des chiens de traîneaux. Ça tire, ces bêtes-là, accrochées à la taille. Un vrai bonheur dans les montées. Gare aux gadins dans la neige dans les descentes.

Le déjeuner en plein air, par -12°C, autour du feu de bois face à l’étendue blanche des lacs, c’est sympa aussi. Les chiens se reposent. Les humains se restaurent. Soupe instantanée à la neige bouillante et sandwichs chauffés sur les braises. Le soir ? Sauna.

Et voilà un arbre !

Ça commence plutôt pas mal. Mais mon voyage a pris une trajectoire inattendue (au sens propre comme au figuré !) Le lendemain, la journée est superbe. La température a refroidi : -25°C. Le ciel est tout bleu. L’horizon est rosi par la lumière rasante de la fin janvier.

Matin de janvier en Finlande.

Ce 28 janvier, je dois faire de la motoneige. Je découvre l’engin. C’est puissant ces monstres. Je ne roule pas des mécaniques. Quelques exercices pour découvrir la moto et la manier, puis en route ! Un lac gelé, une forêt, un chemin qui monte et qui descend. Et, là, en haut d’une côte, juste au sortir de la butte, je me trouve face à un arbre.

J’ai juste le temps de me dire : « Il y a un arbre devant. Je vais dans l’arbre ! » Et… j’étais dans l’arbre !

Ne demandez pas. Je ne sais ce qui s’est passé. J’admets volontiers que ce n’est pas le résineux qui s’est déplacé pour se mettre sur ma route… Quoique ? ;-)

Je sens mes poignets, cramponnés au guidon, se briser dans le choc frontal. Du sang gicle dans mon casque. Je termine à terre, dans la neige.

Un autre voyage débute…

Je n’ai pas perdu conscience. Je suis entourée. J’ai très mal aux poignets et suis coupée au visage. Le plus urgent est de me conduire au chaud, à l’abri. Evidemment, il fait – 25° C. Le retour à l’arrière d’une motoneige est loin d’être agréable (<–ceci est un méga euphémisme !)

Carte de la FinlandeAprès découpage des mes couches de vêtements qui me transforment en Bibendum, la découverte de mes poignets ne laisse plus aucun doute.

Ils font comme les créneaux d’un château.

Le nord de la Finlande est quand même moyennement peuplé, hein. A l’est près de la Russie et de là où je me trouve, le petit hôpital de Kuusamo est à une heure de route.

Logiquement, l’ambulance met… une heure à arriver. Youhou !

Ensuite ? Eh bien, j’ai découvert la Finlande de l’intérieur, disons.

 

Pas de bras pas de chocolat

Ça a donc commencé par l’intérieur d’une ambulance. Les secouristes –deux femmes– m’apaisent avec des médocs en intraveineuse. J’ai confiance. De toute façon, il n’y a pas d’autres choix. Je suis seule, à l’étranger. On a glissé mes sacs dans le véhicule. Je vais n’avoir de cesse de surveiller qu’ils me suivent bien partout. Je sais que je ne reviendrai pas au bord du lac.

Arrivé dans le petit hôpital de Kuusamo (16 000 habitants), place aux radios et examens. Deux infirmiers me sourient, me regardent entre sollicitude et gêne (peut-être) d’avoir à parler un anglais qu’ils ne maîtrisent pas bien. L’un d’eux met une espèce de glue dans la coupure de mon visage.

J’ai les deux poignets fracturés. Des fractures complexes, que l’équipe médicale tente de réduire, après une anesthésie locale. Aaaaaah, la sensation ! L’infirmière aggrippe fermement le bras, le médecin tire la main. On sent les morceaux d’os bouger. Je plonge les yeux dans ceux d’une seconde infirmière pendant la manœuvre qui se répète à chaque bras. Elle semble me dire : « Ça va aller. »

Le tableau aux hameçons

J’ai une perte de sensation dans un doigt. On me met en observation dans une salle des urgences. Face à mon lit-brancard, un cadre est accroché au mur. A l’intérieur, des dizaines de hameçons… Petits et gros. Certains ont encore le bouchon, d’autres la plume. Jaune, rose, vert…

J’interroge en souriant une infirmière : « Vous aimez les collections à l’hôpital ? » Je ne crois pas si bien dire. Elle répond que ça vient des patients. La voilà qui mime des hameçons accrochés dans la joue, sur le crâne ou dans le bras. Il y a plein de lacs dans le coin. C’est le rayon de soleil de ma journée. Je suis dans Urgences.

J’ai songé à prendre les hameçons en photo avec mon téléphone.  J’ai finalement préféré garder mes mouvements, rares, douloureux et pénibles, pour l’essentiel : appeler mon assurance rapatriement et mes proches.

Prise en compte de la douleur

Tout est neuf, à l’étage où je passe la nuit, seule dans la chambre, face au bureau des infirmières. Elles sont attentives, présentes. Elles surveillent que je n’aie pas de trauma crânien. Surtout, la douleur m’a semblé bien prise en charge. Dès que j’ai eu mal (ou presque), on me donnait quelque chose. Ça a été le cas pendant les sept jours d’hospitalisation (oui, sept !). Je n’ai que peu expérimenté les hôpitaux en France, mais, sur ce point-là, le système finlandais m’a bien plu. ;-)

Le lendemain, je suis transférée à l’hôpital universitaire d’Oulu… à 250 km… Deux heures et demie de trajet… J’ai droit à une petite dose de médocs dans mon cathéter dès que les vibrations me font souffrir.

Drôle de tourisme : je n’ai pas vu le paysage, couchée dans l’ambulance, mais je découvre le professionnalisme de ceux qui m’entourent.

En toute proximité

Hôpital d'Oulu.
Hôpital d’Oulu.

La ville d’Oulu (190 000 habitants) possède l’un des cinq CHU de Finlande. Il couvre tout le nord du pays, la Laponie.

Oulu est une ville industrielle avec des kilomètres de pistes de ski de fond. C’est aussi la cité du championnat du monde d’air guitar !

Je n’ai vu que les murs de l’hôpital… Mais j’ai été au contact de Finlandais comme jamais je ne l’aurais été en me promenant sur des raquettes!

J’ai perdu toute autonomie. Je dépends de tous ces inconnus. Le tête-à-tête avec l’infirmière qui vous brosse les dents est d’abord gênant, puis marrant. Vaut mieux en rire, me dis-je.

Elle aussi sourit et demande de l’excuser de ne pas brosser aussi bien que je ne le ferais !

Sans parler de la douche, ce moment parmi les plus intimes de la vie ! Faut passer le premier cap terriblement embarrassant. Les infirmières savent y faire. Elles discutent avec moi comme si de rien n’était, en me déshabillant et en m’emmaillotant les bras plâtrés. Moi, je me dis : « La Finlande, c’est le pays du sauna. Elles sont habituées à la nudité. Oui, c’est ça. C’est presque normal pour elles de discuter avec des gens nus. » J’essaye de me convaincre. Surtout que mon corps tout endolori apprécie les bienfaits de la douche…

On parle voyages souvent.

On m’habille, on me donne la becquée pour manger, on me recharge mon téléphone, on me remonte les oreillers… Les trois jours qui ont précédé l’opération des poignets, je suis incapable de faire quoi que ce soit… Alors, j’en ai eu des tête-à-tête avec des Finlandais !

Do you speak finnish ?

Vue depuis un couloir de l'hôpital d'Oulu.
Vue depuis un couloir de l’hôpital d’Oulu.

Non, je ne parle pas finnois. Depuis mon retour en France, on me dit : « Heureusement que tu parles anglais! » Je réponds : « Heureusement que beaucoup de Finlandais parlent anglais! » Pas tous. Et certains, qui connaissent la langue mieux que beaucoup de Français, m’ont dit qu’ils étaient désolés de ne pas mieux parler.

J’imagine la situation d’un Finlandais hospitalisé en France. « Ze doctor arrive. »

Cela dit, c’est l’une des infirmières qui parlait le moins anglais qui a été la plus attentive. Lorsqu’elle me donnait à manger, on causait. J’ai appris le nom en finnois des aliments qui composaient mes plateaux. Concombre, thé, fromage… Je répétais. Cette langue possède des sons carrément étrangers à nos oreilles. L’infirmière, elle, essayait de dire les mêmes mots en français et en anglais. Rires garantis ! Surtout lorsque je prononce le finnois !

Ma voisine de chambre doit encore se marrer à m’entendre essayer de parfaitement dire « hyvää päivää » (bonjour) et « kyllä » (oui). Mais il y a plein d’autres façons de dire bonjour et je les maîtrisais pas trop mal. J’étais aussi très bonne en « kiitos » (merci).

Quant à l’anglais, faut quand même être au taquet quand le médecin fait sa tournée à 7h du matin ! Il débarque au pied du lit. Vous avez encore les yeux collés de sommeil et le cerveau embrumé, voire vous rêvez que vous n’êtes pas dans un hôpital… Faut pourtant se réveiller fissa et switcher en mode anglais. C’est le moment de poser toutes ses questions et noter mentalement tout ce que le médecin vous dit ! Kiitos.

Vous reprendrez bien un peu de renne ?

Plateaux repas de l'hôpital d'Oulu. Finlande.
Plateaux repas de l’hôpital d’Oulu. Finlande.

Ma foi, la gastronomie hospitalière d’Oulu ne m’a pas déplu. Comme un goût de découverte. Avec un leitmotiv : la tranche de pain noir. Au petit-déj, au déjeuner, au dîner à 17h (!) et au « goûter » de 19 h (eh oui, il y avait une collation en fin de journée).

Le pain était beurré pour moi par les infirmières ou les femmes chargées du service. Au début, j’ai trouvé ça assez exotique cette texture resserrée et la petite saveur acide. Au bout du sixième jour, je me suis un peu lassée… ;-)

La collation de 19h.
La collation de 19h.

Un jour, alors que je prends mon cours quotidien et alimentaire de finnois, l’infirmière qui ne parle pas anglais butte à m’expliquer ce qu’elle me met dans la bouche.

A l’autre bout de la chambre, de dos, ma voisine de lit âgée s’en mêle. Je ne comprends toujours pas. Elle reste de dos, penchée sur son plateau mais passe un coup de fil. Après vérification auprès de l’un de ses proches, en se retournant à peine, elle lance triomphante : « Reindeer! »

Toute la chambrée rigole. Voilà, je sais ce que mange. Du renne. J’en ai eu plusieurs fois.

A part, ça les légumes avaient goût de légumes. Le plat chaud (saumon, poulet, renne…) était accompagné d’une petite salade, souvent aigre-douce (chou et ananas, par exemple). En dessert : souvent des sortes d’entremets aux baies et fruits rouges.

Dégradé de gruaux

Mon voyage alimentaire avait aussi lieu à tous les petits-déjeuners. Au menu : du porridge, dans lequel on me mettait invariablement un peu de beurre salé. C’est sympa le gruau. Un peu. J’en ai eu toute une gamme, du plus clair au plus foncé ! « So finnish », me dit une infirmière bilingue. Je dois avouer que je préfère le plus clair, et plutôt sans beurre.

Petits-déjeuners à l'hôpital d'Oulu.
Petits-déjeuners à l’hôpital d’Oulu.

 Opérée et rapatriée

J'ai été rapatriée en avion de ligne, avec une infirmière.
J’ai été rapatriée en avion de ligne, avec une infirmière.

J’ai été opérée de mes deux poignets sur place. Des fractures compliquées. En plusieurs morceaux. Me voilà doublement plaquée et vissée.

J’ai organisé mon rapatriement, toute seule, comme une grande, avec mon assurance. C’est fou la résistance que l’on trouve en soi lorsque l’on doit faire face à un coup dur de ce type. Surtout lorsque l’on reçoit de nombreux coups de fil et messages de ses proches. Je ne me suis pas vraiment sentie seule. Merci à tous.

Le coup de mou, les larmes, ça vient après l’urgence d’avoir à faire face.

Cela dit, j’ai toujours senti que j’étais bien prise en charge. J’avais confiance en ces professionnels finlandais, souvent très gentils avec moi.

Les urgences, bof

Il y a quand même un bémol : le passage aux urgences. Pas celles du petit hôpital de Kuusamo, mais celles de l’immense CHU d’Oulu. Je crois que c’est partout pareil. Il y a sans doute matière à mieux prendre en compte le patient (en Finlande, comme en France). Je suis bien consciente qu’il y a des priorités. Des urgences vitales à gérer. Moi, j’étais déjà pré-plâtrée.

Sauf que pendant l’attente, on se sent démuni. On souffre, on ne sait pas ce qui se passe. On bouge votre brancard d’un coin à l’autre. D’un box à un couloir, parce qu’il faut faire de la place. Quelqu’un vient vous remplir une fiche d’admission. Puis, plus rien pendant deux heures. Un autre arrive pour faire une prise de sang. Nouvelle attente. J’avais soif, mais pas le droit de boire au cas où mon opération aurait eu lieu le soir même.

Parfois, on croit qu’on vous a oublié. On m’a quand même donné des anti-douleurs lorsque j’en ai demandés. « Oui, oui, le médecin devait venir vous voir. C’était votre tour, mais une urgence vient d’arriver ! », explique une infirmière. Il y a des cris monstrueux dans un coin. C’est anxiogène, les urgences. Encore plus lorsqu’on ne comprend pas les mots des gens qui passent et repassent.

photo (1)Aujourd’hui, je suis de retour chez moi. En convalescence comme on dit. Ça va beaucoup mieux. Je suis déplâtrée, mais encore limitée dans mes gestes (la photo ci-jointe date de quelques semaines). Il m’a fallu du temps pour réussir à écrire tout ça ! Le clavier, ça tire sur les poignets !

Bon, je vous laisse. Faut que je fasse mes exercices de rééducation. ;-)

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