Impressions de Carthagène
J’ai passé presque un mois à Carthagène-des-Indes, sur la côte caraïbe de la Colombie. J’en reviens avec un paquet d’impressions et de sensations. En voici quelques-unes.
Bien sûr, pendant ce séjour à Carthagène il y a eu l’enthousiasme ébouriffant du pays pour sa sélection nationale pendant la Coupe du monde de football fin juin. Ce fut l’occasion de faire des photos pleines de sourires. Mais pas seulement ! Ma parenthèse colombienne a eu bien d’autres saveurs… En voici quelques-unes en toute subjectivité.
La chaleur moite…
Ici, pas si loin de l’équateur, sur la côte des Caraïbes, il fait rarement moins de 32° ou 33° Celcius. C’est une une chaleur moite. De celle qui fait apprécier le divin courant d’air du ventilateur lorsqu’il passe sur la peau.
Cesser tout mouvement et s’asseoir sur un banc à l’ombre de l’une des places arborées de la ville coloniale se savourent. Comme si le temps était suspendu.
Dans une certaine torpeur, j’ai regardé les gens passer. Ceux qui se posaient pas loin de moi, aussi. Des hommes âgés discutant ; des travailleurs en uniforme, allongés pour piquer un somme ; des vendeurs ambulants qui proposent des glaces ou des boissons, sans trop insister…
Le pas lent
Ici, on ne court pas s’il n’y en a pas besoin. Au début, l’urbaine Européenne que je suis a conservé son rythme enlevé. Un réflexe pavlovien. Je doublais souvent les passants… Quelques centaines de mètres et quelques décilitres de sueur plus tard, j’ai adopté le pas lent. Tranquille et qui permet de mieux observer.
Le goût de la Aguila
Aguila est l’une des bières les plus populaires de Colombie. Une couleur dorée, un goût agréable dans le cagnard, un petit peu amer, ni fort ni léger…
La nuit tombée, j’ai aimé en siroter à la grande terrasse de Donde Fidel, près de la Torre del reloj, à l’entrée de la ville coloniale. Une petite habitude prise le soir même de mon arrivée… et qui ne m’a pas quittée. J’y suis retournée plusieurs fois, seule ou avec des amis.
La bière, on la déguste au goulot de la bouteille fraîche et humide, gorgée après gorgée, en regardant les passants, les calèches à touristes et les artistes de rue. Comme ce mime qui saisissait à la perfection les attitudes des uns et des autres. Jusqu’à provoquer des rires sur toute la terrasse !
Gare aussi à ne pas la boire comme de l’eau ! La tentation peut être grande dans la chaleur, les jours de matches matinaux de la Coupe du Monde. ;-)
Les balcons
Carthagène ne se résume pas à la ville coloniale. Il y a les quartiers résidentiels avec leurs hauts immeubles plus ou moins luxueux selon les secteurs et les quartiers où vivent les plus pauvres dans de petites maisons, mais la ville ancienne est la plus belle. Ceinte de fortifications, elle est classée au patrimoine mondial de l’Unesco.
Et il y a les balcons ! Par centaine, ils s’alignent sur les façades au premier étage. Dans une rue étroite, au milieu de la foule, je les ai oubliés parfois. Puis, en repassant par là, j’ai levé les yeux et j’ai réalisé que je ne les avais pas vus si nombreux…
Les vendeurs ambulants
Ils sont partout. Ils vendent de tout. Des souvenirs et des chapeaux aux touristes, des brochettes, des arepas au fromage, des boissons, des vêtements, des fruits et… des coups de téléphone.
Ces vendeurs de llamadas (appels) proposent aux passants d’utiliser des mobiles contre quelques pesos. Les téléphones s’alignent sur des petites tables, où l’on trouve aussi des chewing-gums et des bonbons à acheter. Des cabines téléphoniques améliorées !
Les jus de fruit et les fruits
Attention ! Fruits tropicaux à gogo ! On les achète frais ou en jus, entiers ou coupés en morceaux.
Certains m’étaient carrément inconnus ! Comme le zapote (un peu comme une papaye) ou le lulo (petit, rond, orange, acide et délicieux en jus).
J’ai adoré les jus de maracuyà (fruit de la passion). Surtout mixé con leche (avec du lait). J’ai encore sur les papilles ce goût parfumé et un chouïa acide.
Les mangues aussi ! Délicieuses lorsqu’elles sont sucrées. Juste comme ça à croquer, mais aussi mixées, con leche ou nature.
Lorsqu’elles sont vertes, c’est une autre histoire. On les mange alors coupées en morceaux, arrosées de jus de citron vert et d’un peu de sel. Bien plus rafraîchissants (et diététiques!) qu’un paquet de chips ! Très bon quand on a un petit creux sur un bateau de retour des îles du Rosaire. ;-)
Les fantômes du passé
Ici, certains croient volontiers à des histoires où réalité et imaginaire se mêlent et s’entrecroisent. Au début je pensais que le réalisme magique, on ne le retrouvait que dans les romans, comme ceux du Colombien Gabriel García Márquez. Mais une dame m’a carrément soutenu avoir eu affaire à un fantôme, ici, à Carthagène. La preuve : elle m’a reproduit les bruits « del fantasma ». Sans rire.
Moi, j’ai aimé songer au passé.
La ville est imprégnée de son histoire. Celle des sièges des nations ennemies. Celle des pirates et des corsaires contre lesquels les fortifications ont été érigées. Ils convoitaient l’or d’Amérique du Sud qui transitait par le port avant d’embarquer en Espagne.
En passant devant les palais et les hautes maisons, j’ai imaginé cette petite société qui s’est construite âprement aux XVIIe et XVIIIe siècles. Avec les esclaves et les habitants d’origine de la région, tout en bas de la société. Les on-dit, les commérages propres à des petites communautés, le poids de la religion, les violences et les espoirs aussi dans ce monde que l’on disait « nouveau ».
La visite du palais de l’Inquisition — bel édifice robuste aux cours ombragées — m’a marquée. Cet ancien lieu de torture évoque la chasse à tous les non-catholiques, aux hérétiques en tout genre, aux sorcières… Il suffisait de peu pour être une affreuse sorcière. Être un peu trop différente de la norme, un peu trop libre aussi…
Le vent sur les murailles
Le vent allège la moiteur. Il suffit de prendre un peu de hauteur pour le sentir. Sur les fortifications, il apporte un peu de fraîcheur, sans enlever l’humidité de l’air. Au contraire. Du haut des murailles, on voit les vagues. On les sent presque sur la peau, collantes et salées.
On surplombe : la ville et ses petites rues d’un côté , la mer de l’autre et en face le quartier moderne de Bocagrande où les plages aux parasols s’étalent sous les hauts immeubles.
L’odeur du pain
Un peu acide, un peu sucrée. L’odeur de ce pain est différente de celle du pain français. Idem pour le goût et la texture. Certes, ce n’est la nourriture la plus raffinée qui soit, mais je me suis arrêtée manger un petit pain au fromage dans ces panaderías.
Surtout, j’ai aimé ce parfum qui volait dans la rue, le matin, sur le chemin de l’école où je prenais des cours d’espagnol. Il m’est même arrivée de faire un détour, rien que pour la respirer…
Les gens qui t’abordent
A Carthagène, il y aussi les plages, les restos branchés, la pauvreté, les conteneurs du port, la danse, la musique… Mais, surtout, les Carthaginois. La plupart sont chaleureux. Vraiment. Ils vous saluent, ils vous sourient et ils vous causent. Au bout de deux semaines, l’un des guides qui cherchent des clients sous la Torre del reloj m’appelait par mon prénom. Et ça faisait longtemps qu’il ne me proposait plus de tours.
Il y a aussi eu ces dames qui ont voulu que je déjeune à leur table, ce jeune homme qui voulait pratiquer son anglais, le chauffeur de taxi qui me parlait dans son français appris à l’Alliance français (le chauffeur désagréable et arnaqueur aussi !), la dame du resto d’à côté qui me saluait comme une voisine et tant d’autres ! J’ai aimé les gens de Carthagène.
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