Trois « étranges » villes de l’Ouest américain
Trona, Carmel, Beatty… J’ai traversé ces trois villes de Californie et du Nevada. Elles ne se ressemblent pas, mais paraissent presque irréelles à mes yeux d’Européenne. « Etranges », au sens premier du terme.
TRONA : des usines, un désert salé, des maisons abandonnées
Ce matin-là, sur le parking du motel, je monte dans ma voiture de location pour rejoindre la Death Valley. J’ai fait étape à Ridgecrest, une ville moyenne du désert de Mojave, en Californie.
C’est le genre de ville blanche américaine où tout se fait sans descendre de sa voiture : manger, acheter ses médicaments à la pharmacie…
Un petit coup de GPS pour savoir la direction à prendre. Il m’indique qu’il faut plus de deux heures pour rejoindre la Vallée de la mort, par une autoroute… D’accord… Mais je vois bien sur la carte qu’il y a un autre chemin, par une route plus petite qui suit un terrain militaire. Il me semble aussi avoir vu un panneau dans Ridgecrest qui devait indiquer cette façon d’aller à la Death Valley.
Je décide de désobéir au GPS ! D’autant que sur le chemin, il y a une petite ville inscrite sur la carte… Trona… Je fais le plein avant de partir, quand même. On ne sait jamais, hein.
Décor de science-fiction
Bim ! Au bout de trente minutes de route dans un paysage aride, une vallée blanche de sel m’explose aux yeux. Deux énormes usines aussi. Puis, sur le bord de la route, un premier panneau « Welcome to Searles valley ». Un autre, blanc, un peu vieillot et flanqué d’une croix rouge : « Our churches » (« nos église »). Ça promet… C’est Trona… C’est désolé.
Sur le côté, des maisons sont fermées. Des panneaux de contreplaqué bouchent les fenêtres. Elles tombent en ruines. Des voitures sont abandonnées. Les commerces ? Ceux qui n’ont pas l’air d’avoir définitivement fermé ne sont pas très engageants…
Je fais halte sur l’aire de repos, en face de la seconde usine. Des panneaux explicatifs un peu passés « égayent » cailloux, bancs et toilettes. Depuis la fin du XIXe siècle, on exploite ici le borax, un minerai, une sorte de sel encore utilisé dans de nombreuses industries. La petite « ville » est tournée vers cette production.
On se croirait dans dans un autre monde, un décor de science fiction. Je me demande comment on peut vivre là… Je me demande si les habitants sont partis parce qu’il y avait moins de boulot ou parce que cet environnement est trop désolé, « étrange »… Dans trente ans, ce coin sera-t-il devenu un spot touristique pour les amateurs de villes fantômes comme il y en a tant aux USA ?
Je lirai un peu plus tard que de nombreux salariés de la compagnie qui exploite les minerais se sont installés à Ridgecrest, d’où j’arrive. Bah oui, il y a des supermarchés, des fastfoods…
En repartant, je passe devant le (petit) lycée (High school) et remarque le terrain de sport. Sans arbre, sans herbe, avec un sol de gravillons et de poussières. Je découvre qu’il en est question sur Wikipédia : ce serait le seul terrain de ce genre aux Etats-Unis si l’on excepte l’Alaska. Waouh ! J’ai vu un truc super rare ! Je ne regrette pas d’avoir désobéi au GPS.
Et voici une dernière photo, assez extraordinaire, car il y a à la fois de la verdure et des gens. ;-)
BEATTY : des stations-services, des motels, des maisons-caravanes
Beatty, c’est dans le Nevada. A une dizaine de kilomètres de l’une des entrées de la Death Valley et de la frontière californienne. Dans le désert, aussi. Arrivée un soir pour y passer deux nuits, je distinguais les maisons-caravanes dans la pénombre.
Il y plusieurs motels, dont un avec casino, dans cette ville d’un millier d’habitants qui ressemble beaucoup à mon cliché de l’Ouest américain. Anciennement ville minière, elle se veut désormais l’une des portes d’entrée vers le parc de la Vallée de la mort.
On est déjà dans le pays des machines à sous, pas loin de Las Vegas. Dans l’une des stations services, elles sont là, entre les hot-dogs, les chips, les barres chocolatées et les boissons énergisantes.
Au comptoir, deux femmes – la mère et la fille ? – saluent chaleureusement les habitués, dont certains portent chapeau. La plus jeune fut un peu plus brute de décoffrage avec moi qui ne comprenais pas où était passée ma carte bancaire, même si un sourire et un merci rattrapent ensuite ce mouvement d’agacement.
A Beatty, plusieurs parkings pour les trucks (camions) sont à disposition des routiers, tout comme on trouve ce que j’appellerai des « motels à camping-cars ». Faut dire que certains camping-cars américains sont énormes et tractent une voiture à l’arrière !
Le bureau du shériff
De jour, je découvre les rues en damier où s’étalent les caravanes et les maisons basses des habitants de Beatty. Un regard interrogateur te rappelle que les passants n’ont pas vraiment l’habitude de quitter les deux axes principaux. Il y a un petit musée. Le bureau du shériff est dans un bâtiment neuf, partagé avec le tribunal !
J’ai traversé le casino du motel pour aller m’acheter à manger dans la chaîne de resto qu’il abrite. J’ai attendu, regardé.
Ceux qui se connaissaient, les autres, les trognes, les jeans, les serveuses affairées, les routiers, les couples de passage… et je suis repartie avec ma barquette de boeuf aux légumes, façon Bilbo le Hobbit ! Le film va bientôt sortir et la campagne de marketing n’a pas oublié Beatty.
Etrange de constater que la réalité colle plutôt à l’imaginaire.
CARMEL : des riches, des chiens et Clint Eastwood
Changement de décor. Carmel est sur la côte californienne, près de Monterey, au sud de San Francisco. Très touristique, elle est plus connue que les deux précédentes. Le réalisateur et acteur Clint Eastwood en a été le maire. Nombre d’écrivains y ont vécu. Faut dire que la péninsule offre de fort beaux paysages. Granit, cyprès, phoques, mer, plage…
La ville, elle, m’a semblé irréelle. Dans les faubourgs, je me suis perdue parce qu’il n’y a pas de panneaux. Ils sont interdits (ou alors, en petit) parce que c’est pas beau. Il n’y a pas de boîtes aux lettres non plus.
La pénombre des arbres abrite d’assez grandes maisons, pas clinquantes. Plutôt des maisons du genre « nous-avons-les-moyens-tout-le-monde-le-sait-puisque-nous-habitons-ici-mais-nous-préférons-une-relative-simplicité-authentique-et-empreinte-d’histoire ».
Dans le centre-ville, toujours ces larges rues, mais pas de vitrines qui attrapent l’oeil ou de pubs flashy… Galeries, magasins d’antiquités, boutiques de vêtements n’ont pas le droit de racoler… Pas chic ! Ici, il est même interdit de marcher avec de hauts talons… Risque de chutes et risque de procès, je crois… Il faut avoir un « permis » pour en avoir l’autorisation.
Ça donne une ambiance étrange, mais pas attrayante. La ville est comme un décor auquel faut pas toucher, mais un décor sans grande particularité, hein. « Un Disneyland pour riches », me disait une amie. Le seul truc qui m’ait vraiment plu c’est la plage avec dunes sur laquelle se termine la rue principale.
« Je peux le caresser? »
Une autre spécificité : les chiens. Je ne savais pas ça en arrivant. Je remarque une gamelle d’eau avec des strass devant un bijoutier. Plus loin, une autre gamelle face à une boutique. Ok, je réalise que la petite ville doit être très « dog friendly ».
J’ouvre les yeux. Les habitants ont presque tous des chiens ! Des petits chiens du genre qu’on ne peut pas poser par terre parce qu’ils se saliraient les pattes, mais aussi des gros poilus bien brossés.
Dans une épicerie, un homme baraqué portant sa petite bête sur sa poitrine répond aux questions d’une passante sur le caractère de l’animal. Sur le trottoir, deux dames se croisent et s’arrêtent pour laisser leurs chiens faire connaissance. Plus loin, un couple qui tient déjà un gros toutou en laisse demande à un autre : « Can I pet your dog ? » (Est-ce que je peux caresser votre chien ?)
J’ai l’impression d’être sur une autre planète, un peu comme dans le désert. Ce n’est pas si inintéressant finalement. ;-)
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