Mes toutes premières fois en Mongolie

La première fois où on entre dans une yourte, celle où on voit des chameaux, le premier puits où l’on remonte l’eau, le goût de la chèvre… Les deux premiers jours de road trip en Mongolie, tout surprend.

Les petits détails accrochent le regard

Je vous avais laissé dans les faubourgs d’Oulan Bator. C’est là que ce road trip de 2000 km, qui passe par le Gobi en Mongolie, commence. Après la vidéo, le récit en mots et en photos.

Mongolie, l'UAZ roule partout.

C’est ma toute toute première fois en Mongolie. Tout est surprise, émerveillement ou interrogation. C’est comme ça quand on débarque en terre inconnue. Les sens sont en alerte. Les petits détails accrochent le regard. Ils deviendront vite familiers. C’est aussi le jeu des comparaisons avec ce que l’on connaît.

Ça défile devant les yeux et dans ma tête, comme une douce musique :

Ah, tiens, même en ville, certains portent le deel, le manteau traditionnel avec la ceinture de tissus coloré, mais ils ne sont pas nombreux. — Ouhla, l’alphabet latin est très peu utilisé, à part pour le mot restaurant. Attends, il y a le cyrillique ET l’alphabet mongol traditionnel ! — Oh, c’est rigolo. Le pommeau du changement de vitesse de la voiture a été bricolé et remplacé par une boule en verre contenant une rose. D’ailleurs, tout est bricolé là-dedans ?! »

UAZ moletonné

Me voilà justement dans cette camionnette d’origine soviétique, grise et replète, haute sur ses pneus, avec des phares ronds mignons. A l’intérieur, la cabine est molletonnée façon cercueil qui aurait déjà quelques heures de vol, mais la radio lit les clé USB et un lino imitation bois recouvre la partie du moteur qui chauffe devant mes genoux. C’est ma première fois dans un UAZ, un véhicule emblématique.

Avec Dorjoo au volant, l’engin se faufile partout. Tant mieux car je découvre que les routes sont encore plus rares que je ne l’avais imaginé. Direction le sud, le région du Gobi et son désert aux multiples facettes. Sur des pistes de poussière, on s’éloigne rapidement d’Oulan Bator, la capitale qui n’est finalement pas si étendue.

L’ivresse du vide

Mongolie : un homme à cheval, près d'Oulan Bator.
Mongolie : un homme à cheval, près d’Oulan Bator.

Voilà déjà un homme sur son cheval au galop ! Pittoresque ?  Je me dis qu’on va en voir des gens qui surgissent sans que l’on sache où ils vont et d’où ils viennent. En fait, non.

On poursuit dans un vaste paysage avec quelques collines, de l’herbe rare et rase, desséchée et jaunie. Beaucoup de vide. Pas d’arbres, pas d’habitant. C’est ma première fois dans la campagne mongole. Je regarde partout. Ça ne ressemble pas aux images d’Epinal: pas de vert, pas de yourtes, pas de troupeaux. Nous les verrons ailleurs.

C’est assez beau, mais pas d’un beau spectaculaire. Je crois que c’est ce vide apparent qui me plaît et me fascine. Un vide sec, pas tapageur.

De temps en temps, on aperçoit au loin un truck chargé à ras bord qui se déplace en soulevant de la poussière. Un quart d’heure plus tard, nos véhicules se croisent. Le temps et les distances s’étirent.

Première halte au puits

Tout devient un petit événement. Comme la halte au puits. La première de nos 2000 km.

Mongolie: un homme au puits pour abreuver ses cheveux.

Un homme et un jeune garçon puisent l’eau pour abreuver leurs chevaux. Le puits est sur le bord de la piste. Nous laissons la priorité aux bêtes. Nos réserves sont quasi pleines.

Nous nous arrêterons, chaque jour, près des puits pour remplir les bidons.

Parfois, ils sont à sec, surtout dans le Gobi. Parfois, il manque un ustensile pour remonter l’eau. Le plus souvent, il suffit de tirer la corde à la force des bras pour obtenir cette ressource si précieuse dans ce paysage assoiffé. D’ailleurs, Bataa et Dorjoo, les chauffeurs qui ont grandi à la campagne, s’arrêtent dès qu’ils en voient un. Il s’agit de ne pas perdre une opportunité de compléter nos bidons ou de se rafraîchir.

Premier hors piste

Mongolie : un pneu crevé.Assez rapidement, nous quittons la piste. Les UAZ partent à l’assaut des pentes. Ça secoue mais ça roule.

Je me demande comment Bataa sait où aller ! Les repères sont rares. Comment s’oriente-t-il ? Pourquoi quittent-ils la piste ici plutôt que là-bas. L’inclinaison de la pente est plus favorable, la direction est globale. Sans GPS, il faut s’adapter, glisser d’une vallée à une autre et, parfois, demander aux nomades.

Lors de cette première journée, nous grimpons donc vers quelque part… Pfffttt, bam… Un pneu crève. En deux temps, trois mouvements, et dans le cagnard, la roue est changée. Nous avons perdu l’autre camionnette qui a poursuivi son chemin, cahin-caha sans s’apercevoir de notre arrêt. Une colline en cache une autre. Nos yeux scrutent le paysage. Les voilà, sur un petit sommet ! Nous les rejoignons.

Waouh. L’horizon est dégagé à 360°. Nous sommes seuls face à Zorgol, une montagne sacrée. Le ciel est immense, le vent léger. C’est beau.

Mongolie : le mont Zorgol, qui est sacré

Premier pique-nique

Et c’est là que nous allons pique-niquer, sans être dérangé par les voisins. Surprise ! Turuu a fait des merveilles pendant que nous nous baladions. Il a carrément sorti la bouteille de gaz et les plaques pour préparer un repas chaud !

Là, au milieu de cet endroit désertique, dans ce lieu où je viens de voir ma première carcasse de bête morte (la première d’une longue série !), nous mangeons en nous régalant du spectacle offert à nos yeux.

Mongolie: premier pique-nique.

Premiers troupeaux

Forcément, chaque rencontre avec des troupeaux est un temps fort. Les chèvres et les moutons… Les vaches… Les bêtes vivent leur vie. Dans ces milieux arides, les élevages sont extensifs. On ne voit pas toujours les nomades, mais généralement une yourte se cache pas très loin. Car il faut traire tout ce monde-là.

Le deuxième jour de notre périple, nous avons croisé un joli groupe de chameaux. Excitation ! Nos premiers chameaux, là, tranquilles, pépères, à 20 mètres. Ils nous regardent ; nous les dévisageons. Comme des gosses qui viennent de découvrir quelque chose de rare. Nous en verrons beaucoup par la suite. C’est l’effet « gazelle ». J’avais raconté ça après une visite dans un parc en Afrique du Sud. La première rencontre, celle de l’émerveillement devant quelque chose d’assez banal pour la région.

Eh oui, nous sommes déjà dans le Gobi, dans la province « du Gobi moyen » précisément. Les bestiaux sont à moitié tondus. Ça leur donne un drôle d’air. J’les kiffe quand même.

Chameaux !
Chameaux ! Cette photo a été prise quelques jours après ce récit. Nous avons eu plusieurs rencontres. ;-)

Première entrée dans une yourte

Le plus fort reste les rencontres avec les gens. Pas avec les bêtes. Ce même deuxième jour, nous sommes invités à prendre le thé à l’intérieur d’une yourte.

L’habitation est assez isolée. Une voiture est enveloppée dans une bâche blanche comme un paquet cadeau juste à côté. Une moto est garée à l’entrée. Un panneau solaire est planté vers le ciel bleu et une parabole regarde le soleil. C’est le confort moderne.

Famille mongole.
Famille mongole.

Mes yeux se plissent quand j’entre dans l’atmosphère plus sombre du logement. Un couple d’environ 36 ans nous accueille. Ils ont deux fils, actuellement en vacances chez leurs parents. Le reste du temps, ils sont à l’école, à l’internat. Un voisin est là aussi.

Elle prépare le thé pendant que lui nous tend des morceaux de fromage sec. J’ai oublié leurs noms et m’en veux de ne pas les avoir notés !

Difficile d’échanger avec des mots. Nous ne parlons pas les mêmes langues. Finalement, les gestes, les sourires et les rires sont les meilleurs alliés. D’autant qu’on a vite fait de se sentir éléphant dans un jeu de quilles dans une yourte pleine de gens. Je regarde tout : l’entrelacs de lattes, le poêle au centre, le chou par terre, les ustensiles qui pendent au mur dans le coin cuisine, les petits meubles, la bassine de yaourt…

Sans compter qu’il y a tout un tas de codes. Il ne faut pas marcher sur le seuil de la porte, mais l’enjamber, ne pas passer entre les deux poteaux qui soutiennent la yourte, il y a un sens pour se déplacer… Mais l’endroit est chaleureux. Le plus jeune des garçons est avide de contacts. Si bien que la femme nous invite à déjeuner.

Là voilà qui sort de la farine qu’elle pétrit avec de l’eau, puis étend cette pâte. Ni une ni deux, elle fabrique des nouilles pendant que de la chèvre séchée se réhydrate dans une marmite bouillonnante. Je regarde la rapidité de ses gestes. Elle ne veut pas d’aide. Je me demande quel goût ça aura.

Le plus grand terrain de basket

A l’extérieur, le plus jeune des garçons a entamé une partie de basket. Lui qui pratique ce sport à l’école a, là, le plus grand terrain du monde. Le panneau, en bois, est planté au milieu de la steppe…

On ne voit pas d’autres yourtes à l’horizon. Je ne sais pas où peut habiter le voisin à la carrure de lutteur ni où se trouve la ville la plus proche. Ils sont isolés, mais regardent des séries américaines à la télé et jouent au basket. J’aime ce grand écart apparent.

Le plus grand terrain de basket du monde.
Le plus grand terrain de basket du monde.

Le goût de la chèvre

Le repas est prêt. Un bouillon fumant aux nouilles et à la chèvre. Assise dans la yourte, je fais honneur à mes hôtes en mangeant de bon appétit. Enfin… j’essaye. Au début, le goût de la chèvre séchée est fort, mais se laisse apprivoiser avec les pâtes roboratives.

Puis il s’installe, envahit la bouche, les narines et le fond de l’estomac. J’ai eu raison des pâtes, du bouillon et des petits morceaux de viande, mais un gros bout de chèvre reste au fond du bol. Ça a un goût très prononcé, la chèvre séchée. Très, très. Elle m’en fait aimer le mouton !

Après un petit face à face avec le morceau, j’ai réussi à en venir à bout dignement. La Mongolie n’est pas forcément réputée pour sa gastronomie, mais j’ai aimé les yaourts aigrelets et les raviolis fourrés au mouton. C’était ma première chèvre mongole. J’en ai remangé. La seconde était si fraîche que je l’avais vue vivante avant de m’en délecter. Une expérience sympa (si, si) que je raconterai.

Premières ruines de temples

Dans cette région de steppes et de désert, pas tout à fait encore le Gobi, les monuments historiques et les installations touristiques ne sont pas légion. Mais il y a… les ruines de temple!

Je souris un peu car il y a souvent peu de choses à voir, mais l’histoire est triste. Les temples bouddhistes ont été détruits par le gouvernement, désireux de faire disparaître toute religion dans les années 1920 et 30. Les moines ont alors été massacrés.

Il se dégage une atmosphère particulière dans ces lieux. Comme à Baga gazriyn chuluu, un secteur où se trouve une étonnante formation granitique. A l’intérieur de l’une de ces « vallées » de granit, les ruines d’un temple du XVIIe siècle au milieu d’une oasis de bouleaux.

Un temple en ruine dans l'oasis de bouleau.
Un temple en ruine dans l’oasis de bouleaux.

Et il y a eu celui-là le lendemain. Un temple moins ancien, mais en ruine depuis la période soviétique. Une autre ambiance, moins douce et dorée. Plus sombre. Emouvante aussi.

Un autre temple en ruine.
Un autre temple en ruine.

Premiers bivouacs

J’avoue que je ne suis pas trop fan du confort très ferme, de la toilette de chat et de montrer mes fesses au vent, mais tout de même… Se réveiller et se coucher en pleine nature, ça a quelque chose de grisant. Je me surprends à aimer !

Au petit matin, de la deuxième nuit de bivouac, je grimpe en haut d’une colline. Le soleil éclaire le blanc de dunes de sables, tout là-bas, à l’horizon. La route vers le Gobi continue…

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