Un Balinais : « Est-ce qu’on peut boire la neige? »
A deux reprises, à Bali, on m’a interrogée sur la neige. Avec des questions plutôt surprenantes. « Est-ce qu’on peut la mettre dans un verre ? » Ben, oui, mais…
Flocons rennais
En ce week-end frisquet à Rennes, je regarde quelques flocons flotter doucement vers le sol avant de disparaître. Ça me fait repenser à Bali, où j’ai passé un mois pendant mon voyage. Pas que je veuille lutter par la pensée contre le froid qui fait rougir le nez, c’est juste que j’avais causé de la neige à Bali.
Ça vous tombe dessus comme ça. Avec un jeune chauffeur de voiture d’abord. Ça commence comme une banale conversation sur le temps qu’il fait, la chaleur, le fait que ça doit bien me changer par rapport à la France. En anglais, on rigole des différences, on force le trait, on en rajoute.
Puis, Made parle de la neige, qu’il imagine recouvrir tout le paysage l’hiver. Ben pas trop. Dans mon ouest de la France, j’explique qu’il y a bien de la neige de temps en temps, mais pas tout les hivers, qu’il n’y a que quelques centimètres… Il a l’air un peu déçu. Je corrige. Dans certains coins du pays, il y en beaucoup. Toute blanche, un mètre d’épaisseur, belle.
En mon for intérieur, je me dis que je suis davantage spécialiste du crachin… Je pense à l’autoroute entre Rennes et Caen qui est bloquée à chaque arrivée de flocons, au seul petit accident de la route que j’ai eu : une glissade pour éviter un poids lourd en haut d’une côte neigeuse.
Boire la neige
Je décris un peu. Il sourit. Je sens que ce n’est pas vraiment ça qui l’intéresse. Il demande: « Est-ce qu’on peut boire la neige ? » Là, c’est moi qui souris. Déconcertée.
Oui, on peut. Faut la faire fondre. En la faisant chauffer. On peut aussi prendre un petite poignée en bouche et la laisser fondre sur le palais. Mais, bon, on ne le fait pas vraiment. La conversation s’éteint petit à petit.
Je poursuis mon voyage sous le soleil de Bali.
Dans cette île, en septembre, le contraste est marquant entre quelques coins côtiers tout secs et jaunis, et le centre du pays vert de rizières et de plantations.
Du coca dans la neige
Quelques jours plus tard, rebelote. Une conversation s’engage avec un Balinais croisé dans la rue. On parle du temps qu’il fait sous nos latitudes respectives.Je lui pose des questions sur la saison des pluies. Et lui veut parler de la neige ! Lui aussi veut savoir si on peut la boire ! Forte de ma première expérience, j’essaye d’expliquer avec plus de précisions. La randonnée en montagne, le réchaud.
Il poursuit : « Mais est-ce qu’on peut la mettre dans un verre ? Et la boire ? Et rajouter du coca ou de l’alcool ? »
Euuuh. Ben… On pourrait sans doute, mais on ne le fait pas… Il insiste. Je m’embrouille dans des comparaisons avec le givre qui se forme dans un congélateur… On rigole.
Relativité
Lui comme moi sentons bien qu’il y a là un point sur lequel on arrive difficilement à se comprendre. Surtout dans nos anglais respectifs. J’ai du mal à voir ce qu’il imagine de la neige. Il a du mal à se faire une idée de ce qu’il n’a jamais vu. J’adore.
J’adore cette conversation anodine, la relativité des choses qu’elle révèle, les différences, la curiosité, la fascination…
Aujourd’hui, à Rennes, j’y repense avec chaleur. Les quelques flocons qui tombent devant ma fenêtre ne peuvent pas remplir un verre, c’est sûr ! Ces deux Balinais seraient-ils déçus ? Trouveraient-ils fascinant le vol léger des flocons, même s’ils fondent en touchant le sol ?
Et le monoï devient solide
Ah, et puis, me reviens aussi une anecdote polynésienne. Lorsque j’étais à Tahiti pendant ce même voyage de quatre mois, je suis allée dans une petite fabrique de monoï. La jeune femme qui nous fait visiter nous dit que le froid de l’avion fait figer l’huile lorsqu’ils l’exportent.
Je confirme même que le monoï reste aussi solide dans ma salle de bain, en Bretagne. Il faut que je le mette sur le radiateur pour qu’il fonde. Elle s’en étonne. Eh oui, il fait moins de 24° C chez moi…
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